Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/415

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tement négligé ce fait, que l’homme n’est qu’un simple emprunteur à l’égard de la terre, et que, s’il n’acquitte pas sa dette, elle agit à la façon des autres créanciers, en le chassant de sa possession. L’Angleterre fait de l’étendue de son sol un grand réservoir pour la déperdition causée par le sucre, le café, la laine, l’indigo, le coton et les autres produits bruts de presque la moitié de l’univers, se procurant ainsi un engrais qui a été évalué à cinq millions de dollars par an, soit cinq fois plus que la valeur de la récolte de coton produite aux États-Unis par les bras de tant de milliers d’individus ; et cependant l’engrais est un produit qui offre des avantages si considérables qu’elle importe dans une seule année plus de deux cents mille tonnes de guano, au prix d’environ deux millions de livres sterling, soit dix millions de dollars. Cependant ses écrivains enseignent aux autres nations que le véritable moyen de devenir riche consiste à épuiser le sol en lui arrachant et en exportant tous ses produits à leur état le plus grossier ; et, conséquemment, lorsque les Irlandais s’efforcent de suivre le sol, expédié, pour ainsi dire, en Angleterre, M. Mac Culloch vient assurer au monde, que « la misère sans exemple du peuple irlandais est due immédiatement au développement excessif de sa population, et que rien ne peut être plus complètement inutile que d’espérer aucun amendement réel ou durable dans leur situation, » si l’on n’oppose un obstacle efficace au progrès de la population. « Il est évident également, continue l’auteur, que l’état d’avilissement et de dégradation dans lequel est tombé le peuple irlandais est l’état auquel doit se trouver réduit tout peuple dont la population, pendant une longue période de temps, continue à s’accroître plus rapidement que les moyens de pourvoir à sa subsistance d’une manière décente et confortable[1]. »

Telle est la manière de voir erronée à laquelle sont amenés des hommes éminents, en adoptant la doctrine de Malthus, à savoir que l’homme, — cette créature qui peut atteindre le développement le plus élevé, — tend à croître plus rapidement que les pommes de terre, les navets, les poissons et les huîtres, créatures placées au degré le plus infime de l’échelle du développement, et dont il fait sa nourriture ; et la doctrine de Ricardo, c’est-à-dire

  1. Principes d’Économie politique, trad. de l’anglais par Aug. Planche, t. II, p. 32.