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que les hommes commencent l’œuvre de la culture sur les sols fertiles. L’Irlande tout entière prouve que les terrains les plus riches n’ont pas encore été drainés et restent en friche ; que les terrains cultivés ont été épuisés à raison de la nécessité, pour ceux qui les possèdent, d’expédier au dehors leurs produits à leur état le plus grossier, et que la cause réelle de la difficulté se trouve dans l’annihilation du pouvoir d’entretenir le commerce et l’anéantissement qui en résulte, du capital consommé chaque jour pour entretenir tant de millions de créatures humaines, forcées de perdre leurs journées dans l’inaction, lorsqu’elles se livreraient au travail avec tant de joie. « Comment, demande le Times, les nourrir et les employer ? C’est là, continue-t-il, une question faite pour confondre un siècle où l’on peut transmettre un message autour du monde en quelques minutes, et signaler la place précise d’une planète qu’on n’avait pas encore aperçue. C’est une question contre laquelle viennent échouer à la fois l’homme téméraire et l’homme sage. »

C’est pourtant une question à laquelle il est facile de répondre. Qu’on leur permette le commerce, qu’on les émancipe de la domination du trafic, et ils obtiendront immédiatement une demande pour leurs facultés intellectuelles ou physiques. Tous trouvant alors des acheteurs pour ce qu’ils peuvent céder aux autres, tous pourront devenir acheteurs du travail de leurs semblables, — de leurs amis et de leurs voisins, et des femmes et des enfants de ces amis. Ce dont l’Irlande a besoin, c’est le mouvement de la société, — la puissance d’association, — qui résulte des différences dans les modes de travaux. Qu’elle possède tout cela, et elle cessera d’exporter des subsistances, tandis que sa population périt à l’intérieur par la famine[1]. Qu’elle possède tout cela, et sa terre, cessant d’être appauvrie par l’extraction et l’exportation de ses éléments les plus précieux, sa population sera à la fois « nourrie et employée ; » et alors la doctrine de l’excès de population cessera de s’appuyer sur les détails déchirants de l’histoire de l’Irlande.

  1. Les exportations de subsistances de l'Irlande, en 1849, 1850 et 1851, années pendant lesquelles la famine et la peste concoururent à restreindre le développement de la population, présentent le résultat suivant :
    Blé. Farine. Têtes de bétail.
    1849 84,000 quarters. 1,176,000 quarters. 520,000
    1850 151,000 1,055,000 473,000
    1851 850,000 823.000 472,000