Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/566

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Ceci, ainsi que le lecteur le remarquera maintenant, représente exactement le cours des événements tel qu’il a été en Irlande, à la Jamaïque, dans l’Inde, en Portugal et en Turquie, et ce qui se passait également à la date de l’ouvrage de Malthus, au moment même où la propriété foncière commençait à s’immobiliser, au moment où commençait à surgir le paupérisme qui depuis est devenu si effrayant. En voyant de pareils faits, il semblera évident que sa théorie ne doit être regardée simplement que comme une description de ce qu’ont été, et devaient être nécessairement, les effets résultant d’une forme mauvaise de l’activité humaine, regardés à tort comme la conséquence nécessaire des lois divines.

§ 6. — La doctrine Ricardo-Malthusienne a une tendance inévitable, celle de faire de l’esclavage, la condition finale du travailleur.

Il en est de même à l’égard de la loi Ricardo-Malthusienne, relative à l’occupation de la terre, en vertu de laquelle l’homme commence par cultiver les terrains fertiles et obtient alors abondamment les subsistances, mais, avec le temps, se trouve forcé de s’adresser à des terrains récompensant, de moins en moins, son travail, et permettant au propriétaire de la terre de réclamer une proportion constamment croissante sous le nom de rente. Telle étant la loi, le travailleur devient nécessairement l’esclave, le fendeur de bois et le tireur d’eau, de l’individu qui revendique la possession de la terre. Que tel soit le résultat inévitable, c’est ce, qui ne peut être un instant mis en doute par quiconque croit avec M. Mac Culloch : « que par suite de l’action de causes fixes et permanentes, la stérilité croissante du sol doit infailliblement, à la longue, triompher des perfectionnements introduits dans les machines et l’agriculture, » l’homme devenant ainsi, de plus en plus l’esclave de la nature, dont le représentant, — le propriétaire du sol, — tient la clef, à l’aide de laquelle seulement on peut obtenir ses dons.

L’homme devient plus libre, à mesure que le travail du présent acquiert du pouvoir sur les accumulations du passé, et moins libre à mesure que celles-ci acquièrent du pouvoir sur lui. Si la théorie de Ricardo est vraie, alors l’esclavage a été prévu par les lois divines, et conséquemment tout effort pour affranchir l’homme, n’a dû aboutir qu’à des efforts stériles.

Cette théorie implique nécessairement que les hommes soient séparés de leurs semblables pour chercher des terres lointaines et fertiles ; et cependant séparés ainsi qu’ils peuvent l’être, la malé-