Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/104

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trompent plus rarement dans leurs appréhensions ; ils ont l’instinct sûr du vrai péril qui les menace, lors même qu’ils prennent les plus mauvais moyens pour le détourner. Tous les personnages engagés dans le gouvernement constitutionnel, ministres, pairs ou députés, savaient très-bien, en affectant une confiance officielle dans les assurances données à Londres, que, pour ce pouvoir déjà compromis par la faiblesse numérique de ses partisans, l’épreuve suprême se ferait au jour, alors prochain, de l’arrivée à Lisbonne de l’infant régent ; et déjà la reine, sa mère, l’œil fixé sur l’embouchure du Tage, guettait avec impatience l’entrée au port du vaisseau qui portait l’instrument de sa vengeance.

Aucune des sombres prévisions du parti constitutionnel ne fut trompée. Débarqué à Lisbonne, en février 1828, l’infant y fut reçu aux applaudissements frénétiques de ses partisans et aux cris de : Vive D. Miguel, roi absolu ! Mieux aurait valu accomplir immédiatement une révolution déjà résolue que la retarder de quelques mois ; car ce retard, provoqué par la seule crainte d’offenser l’Europe, fut l’occasion d’un parjure solennel. Conformément au programme arrêté à Londres, l’infant se rendit le lendemain de son débarquement au sein des deux Chambres réunies pour y prêter, avant de prendre possession de la régence, le serment prescrit par l’acte constitutionnel ; il le prêta sur le saint Évangile, couvrant du pli de son vêtement l’auguste livre que lui présentait le cardinal patriarche, de telle sorte, ont osé dire d’indignes casuistes, qu’il