Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/128

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éloigné que jamais d’adhérer à la pensée politique qui faisait dans le pays la force même de son nouveau cabinet, et son ministère demeurait pour le monarque un accident purement transitoire, duquel il ne doutait pas que la force des choses ne le débarrassât bientôt. Durant quinze mois, le roi concéda donc à ses nouveaux ministres, sans résistances trop vives, toutes les mesures estimées par eux nécessaires pour désarmer les passions surexcitées par le gouvernement de la droite ; il sanctionna en 1828 une loi sur la presse prononçant l’abolition définitive de la censure ; il autorisa en 1829 la présentation d’un double projet de loi pour introduire le principe électif dans la nouvelle organisation des départements et des communes, concessions importantes consenties avec hésitation, mais qu’il envisagea comme strictement compatibles avec la foi monarchique dont il était résolu à protéger l’intégrité contre toute atteinte.

Ce fut peut-être parce qu’il considéra comme en accord avec les traditions de l’ancienne monarchie et avec de trop célèbres arrêts du siècle dernier les ordonnances du 16 juin 1828, qu’il se détermina à les signer. Interdire l’enseignement à la Société de Jésus, réclamer de tout le corps enseignant le serment injurieux de ne point lui appartenir, limiter par des chiffres rigoureux le nombre des admissions dans les petits séminaires, c’était à la fois outrager la religion, la famille et la liberté, c’était faire aux passions des concessions mille fois plus redoutables que celles qui auraient pu lui être demandées dans l’ordre purement politique.