Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/129

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Tout pieux que fût Charles X, la conscience royale parlait chez lui bien plus haut que la conscience religieuse. Mais les grandes concessions coûtaient moins au roi que les petites, parce que celles-là touchaient aux idées et que celles-ci dérangeaient les habitudes. Le prince qui avait revêtu de son nom des ordonnances attentatoires au droit le plus sacré aurait sans hésiter dissous à tout risque son ministère si, afin de s’assurer dans la Chambre élective la majorité qui lui manquait, M. de Martignac avait exigé l’adjonction au cabinet de M. Casimir Périer, s’il avait manifesté le vœu de voir donner une ambassade au général Sébastiani ou un commandement militaire au général Lamarque, car une pareille proposition aurait été considérée par le souverain comme incompatible avec la sûreté de sa dynastie et presque comme injurieuse à son honneur de gentilhomme. Devancer par une initiative hardie l’œuvre principale de la révolution de 1830 en élargissant les bases du personnel gouvernemental, et en appelant aux affaires des hommes que les accidents de leur vie maintenaient seuls dans l’opposition, c’eût été là tout un système dont le roi n’aurait pas même permis la discussion : dans le langage du pavillon de Marsan, cela se fût appelé rendre son épée.

Le parti pris du monarque fut, pour la généreuse tentative à laquelle s’était dévoué le ministère Martignac, un obstacle absolument insurmontable. Ce cabinet s’était trouvé séparé de la droite par des mesures législatives qui répugnaient à cette partie de la Chambre secrètement encouragée dans sa résistance par les en-