Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/44

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Mes meilleurs jours étaient pourtant ceux durant lesquels, au risque d’une remontrance sur ma rentrée tardive, je pouvais prendre place dans les rangs pressés de ces tribunes du palais Bourbon, où la jeunesse portait alors et des convictions ardentes, et des passions politiques implacables. J’ai assisté, sous la monarchie de Juillet, à de grandes luttes oratoires à l’issue desquelles je me trouvais directement intéressé ; j’ai entendu des orateurs d’une habileté plus consommée ; mais aucune de ces magnifiques journées ne m’a laissé l’impression profonde que j’emportai à vingt ans des débats soulevés à l’occasion des votants du 21 janvier, et par les mesures d’exception qui suivirent le meurtre du duc de Berry ; aucune discussion ne m’a paru empreinte de l’esprit philosophique que j’avais remarqué dans les harangues magistrales prononcées à l’occasion de l’indemnité des émigrés, du droit d’aînesse, de la loi du sacrilège, et du projet de loi sur la police de la presse, durant le ministère de M. de Villèle. Cette diversité dans les impressions peut s’expliquer sans doute par la diversité des âges, mais ne viendrait-elle pas surtout du caractère très-différent des discussions parlementaires dans la période antérieure à 1830, et dans celle qu’ouvrit la révolution de Juillet ?

Avant la chute de la branche aînée, la bataille était presque toujours engagée sur le terrain des théories sociales ; c’était une sorte de duel entre le droit historique antérieur à 89, et le droit populaire qui prévalut à cette époque. Dans l’enceinte du palais Bourbon, on