Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/96

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paysage charmant, mais que ne vient animer, comme dans l’antique Campanie, ni l’étincelante couronne du Vésuve, ni l’évocation de souvenirs immortels. Le Portugal n’eut qu’une heure brillante, et cet éclat passager sortit au quinzième siècle du génie de quelques princes dont l’aventureuse initiative profita bien moins à leur patrie qu’à l’humanité tout entière. Réduit, après avoir secoué le joug espagnol, à la seule ambition de se défendre contre un formidable voisin, ce royaume fut conduit à s’effacer derrière ses protecteurs, en subissant, pour prix de cet appui, une sorte de dépendance coloniale, conséquence ruineuse de son abdication politique.

L’Angleterre, patronne maritime de cet État toujours menacé, ayant un esprit en tout contraire au sien, le peuple portugais s’amortit de plus en plus sous cette pression désastreuse, quoique nécessaire. Il vécut ainsi depuis les jours de Méthuen jusqu’à ceux de Beresford, tant qu’enfin, abandonné en 1808 par son roi fuyant devant l’invasion française, le Portugal dut ajouter au titre de colonie anglaise le titre plus humiliant encore de colonie du Brésil. L’extinction de toutes ses forces physiques et murales fut, pour ce pays, le résultat inévitable d’une pareille dépendance militaire et commerciale.

Une sorte de teinte blafarde s’est donc étendue sur cette société spirituelle mais légère, où les caractères ont généralement peu de ressort, et où des heures de pétulance sont suivies par de longs jours de prostration. Dans les révolutions nombreuses, mais peu