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les quatre fils aymon

Je ne puis partager l’opinion de M. Leo Jordan quand il dit que Dante n’a pas connu les fils Aymon parce qu’il n’en parle pas[1]. Je croirais plutôt que Dante, dépeignant les cruelles souffrances d’Ugolin et des siens, avait présent à l’esprit le passage où Clarice, après avoir supplié Renaud pour leurs enfants qui meurent de faim, s’écrie :

Je mangerai mes mains, car li cuers me desvoie,

Lorsqu’il écrivait

Ambo le man per lo dolor mi morsi.

Mais, sans appuyer davantage sur cette hypothèse, je ne sais vraiment dans quel cercle du Paradis Dante eût pu placer Renaud et son allié inséparable, Maugis. S’ils avaient fini pieusement, avec une auréole de sainteté, ils n’en restaient pas moins les représentants de l’esprit de révolte contre l’Empire. Il ne pouvait ignorer leur histoire qui était de son temps très populaire en Italie. M. Rajna n’a-t-il pas découvert dans un document de l’année 1261 un « Fyzaimonem de Baratis », parmi les fondateurs de l’ordre des Chevaliers de Sainte-Marie, si connus sous le nom de frati gaudenti parce qu’ils abusaient parfois des facilités d’une règle qui ne les séparait point du monde[2] ? Fyzaimone, ce mot hybride d’aspect, était devenu un prénom qu’un père acceptait ou désirait pour son fils !

M. Rajna a trouvé de nombreux « Baiardi » à partir de 1168 ; il est disposé à admettre que « Boiardo » est une altération naturelle du nom du célèbre destrier, et il ajoute : « Davvero il Conte Matteo Maria, il nostro poeta cavalleresco per eccellenza, non s’immaginava che fossero cosi cavalleresche, od anzi cavallesche, le origini della sua schiatta. Lo avesse saputo, ci avrebbe potuto cercare il perchè della vocazione sua[3] ».

Au XIXme siècle, vers 1835, Ranke voyait à Venise, la veille des fêtes à l’Ave Maria et le dimanche un peu plus tôt, un conteur réciter au peuple l’histoire des Fils Aymon. D’après

  1. Op. l. p. 16, note.
  2. Romania, XVIII, p. 59.
  3. Romania, ibid., p. 59-60.