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les quatre fils aymon

barrer la route. Prends tout ce que tu voudras de ce que j’ai, mais qu’il me soit permis, ainsi dépouillé, de me rendre avec mes filles où je voudrai. » Mais celui-ci, vain et léger : « Voici la corde avec laquelle ont été liés d’autres coupables que j’ai menés au roi ; avec elle celui-ci sera lié aujourd’hui et conduit en prison. » Il dit, presse son cheval à coups d’éperon, et va vers lui d’une course rapide. Il lui porte un coup de lance, mais sans effet parce que le bois se brise et que le fer tombe à terre. Mais Gonthramn se voyant en péril de mort, invoque le nom de Dieu et la vertu de saint Martin, allonge sa javeline et atteint Dracolen à la gorge. Il le tenait ainsi soulevé au-dessus de son cheval, quand un de ses amis l’achève d’un coup de lance dans le côté. Ses compagnons prennent la fuite, le corps est dépouillé, et Gonthramn reprend librement son voyage avec ses filles[1]. Il se retira sans doute sur les terres de Childebert.

Grégoire raconte ici des faits contemporains tels qu’ils lui sont rapportés, et le caractère épique de cette page, si intéressante à bien des points de vue, est dû à la vérité de la scène. Tout cela deviendra motifs épiques, soit, mais ne l’a pas été d’abord. — Gonthramn ici ne mérite pas son surnom : c’est un père dévoué et un sage et vaillant guerrier. De quelques années le chroniqueur ne parle plus de lui ; nous le retrouverons mêlé à une formidable intrigue, s’y abandonnant à tous ses mauvais penchants et finissant par expier cruellement ses fautes.

Merovig avait cherché vainement un asile à Metz auprès de Brunehilde que les chefs austrasiens empêchèrent de l’accueillir. Il errait de village en village à travers la Champagne rémoise[2], marchant la nuit, se cachant le jour. Son père, toujours implacable, l’avait inutilement cherché à Tours, où il tint la basilique bloquée, de sorte que les fidèles n’y pouvaient entrer[3]. Il revint vers le Nord et l’on imagina un piège qui nous paraît grossier mais qui réussit. Des gens de Thérouanne vinrent demander à Merovig de se rendre chez eux,

  1. Gregor. Turon. V, 26.
  2. Gregor. Turon. V, 14 in fin.
  3. Gregor. Turon. V, 19.