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les quatre fils aymon

ennemis afin de porter dans leur camp le désordre et l’effroi. Charles consent. Aussitôt le guerrier se précipite à travers l’armée éparse de Chilpéric, l’épée à la main. Tout en criant que Charles arrive, il s’efforce de revenir sur la lisière du camp. Il abat tous ceux qu’il rencontre. Les Neustriens se rassemblent de toutes parts ; ils veulent tuer l’audacieux agresseur, mais celui-ci hâte sa course pour se retrouver en sûreté auprès de son chef. Mais Charles a réuni ses compagnons et leur a fait prendre les armes. À leur tête il s’élance à son tour pour délivrer son champion, il combat vaillamment et met en déroute l’armée ennemie, qui est poursuivie jusque dans Amblève. Le roi Chilpéric avait gagné la plaine où les Austrasiens, trop peu nombreux, ne pouvaient le suivre. Charles renvoie ses prisonniers sans leur faire aucun mal, se bornant à recueillir les dépouilles de l’ennemi[1].

L’Annaliste reproduit ici un chant épique. La bataille a lieu dans la forêt dont le trouvère rappelle avec tant d’insistance le mystère et les périls dans le passage des Fils Aymon où nous avons rencontré l’écho de ces faits qui se passèrent en l’année 716.

L’année suivante, Charles vainquit les Neustriens en bataille rangée à Vincy, dans le pays de Cambrai. Les pertes des Franks, dans cette rencontre, furent telles, de part et d’autre, que plus d’un siècle plus tard, Hincmar en rappelait le souvenir à propos de la bataille de Fontenay[2]. C’est le moment glorieux des Enfances de Charles, et la légende, dédaignant les Neustriens vaincus, sanctionnait le triomphe du grand chef austrasien en transformant ses deux adversaires, Chilpéric et Ragenfred, en deux traîtres, Heudri et Rainfroy.

Pendant que Charles se faisait un roi mérovingien à lui, Clotaire, obligeait Plectrude à reconnaître son autorité, et châtiait les Saxons et les Frisons, Chilpéric et Ragenfred obtenaient l’alliance d’Eudes, roi d’Aquitaine. Eudes vint, en

  1. Breysig, Op. l. p. 114-115. V. Ann. Mett. Pertz, I, p 323. L’Annaliste place cette rencontre pendant la marche de Chilpéric sur Cologne. De même dans le poème, les Français sont attaqués dans leur marche sur Montessor.
  2. Contin. Fredeg. c. 106. nimia caede collisi sunt. — Hincmar, epistola X, c. 1.