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les quatre fils aymon

effet, à leur secours, mais, soit qu’il eût marché trop lentement, soit que Charles, par une manœuvre habile, l’eût séparé de ses alliés, il n’était pas avec eux à Soissons quand l’Austrasien les attaqua et les mit en déroute. Ragenfred s’enfuit vers le Nord, toujours poursuivi par les partisans de Charles. Sur les terres du couvent de Saint-Wandrille[1], il se saisit d’un cheval et courut d’une traite jusqu’à Devinna (Pont-de-l’Arche), près de Rouen. L’on se sent en pleine légende épique, et il m’a toujours paru que ce cheval, trouvé si à propos et dont la vigueur infatigable oblige les Franks de Charles à abandonner la poursuite du fugitif, était destiné à passer définitivement dans l’épopée, à devenir Bayard, le cheval faé, le bon « destrier courant ».

Ragenfred se rendit ensuite à Angers où il fut plus tard assiégé par Charles qui finit par lui laisser la ville et se contenta de garder son fils en otage. Chilpéric avait rejoint Eudes. Charles les poursuivit jusqu’à Orléans, mais le roi d’Aquitaine put se retirer dans ses domaines, emmenant avec lui Chilpéric et ses trésors. En 720, Charles obtint qu’Eudes lui rendît le roi, mais il n’est pas question des trésors.

J’ai dit plus haut que dans la version considérée pour l’ensemble comme la meilleure et que je réédite, la soudure entre le Beuves d’Aigremont et les Fils Aymon est imparfaite. Dans d’autres versions, les Fils Aymon sont vigoureusement poursuivis après la mort de Bertholais, et dans l’une qui est conservée par plusieurs manuscrits, Allard, Guichard et Richard tombent aux mains de Charlemagne qui les fait jeter dans sa chartre. Maugis intervient et les délivre. Je serais assez disposé à considérer cet épisode comme une pure interpolation, si, dans la suite, Charlemagne ne revenait plusieurs fois sur le fait. D’abord quand il déclare sa haine pour Maugis :

Et voir plus has Maugis, ce vos di par verté,
Que jo ne fac nul home ki de mer[e] soit né.
Le fil Aymon m’a i de ma cartre jeté[2].

  1. Gesta abb. Fontanell. c. 3. Cf. Breysig, op. l. p. 31.
  2. P. 138, v. 32 sq.