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les quatre fils aymon

Et plus loin :

S’or avoie Renaut dedens ma prison mis
Et Aallart l’aîné et Guichart autresi,
Si l’eüsse sor sains et juré et plevi
Ke jo les garderoie desi le matin,
Si les aroit enblés ains mienuit Maugis[1].

Et il y revient en employant à peu près exactement les mêmes termes, quand il demande que l’un de ses Pairs se charge de pendre Richard[2].

Renaud, de son côté, voyant revenir Maugis, s’écrie :

Onques mais ne failli Maugis a nul de nos,
Tant fussom enfermé en parfonde prison[3].

Ce passage est tout aussi significatif que les premières paroles de Charlemagne : l’allusion porte sur un fait qui a eu lieu réellement. Or, comme le manuscrit lui-même de la version ancienne a été établi dans des conditions particulières que j’avais signalées déjà et sur lesquelles je reviendrai quand je décrirai les manuscrits que j’ai spécialement étudiés, l’absence dans cette version d’un épisode ne prouve pas que sous une forme ou sous une autre il n’ait point fait partie de la légende ancienne. L’on est donc obligé de reconnaître qu’il y a là entre l’histoire propre de Charles Martel et celle des Fils Aymon une ressemblance, et que l’emprisonnement, dans les deux cas, précède la fuite dans les Ardennes. Peu importe que Charles Martel ait été prisonnier de Plectrude et non de Chilpéric. La légende ne lui connaît qu’un adversaire, le roi, ce Chilpéric dont le nom, identique à celui du père de Mérovig et de Chlodovig, devait entraîner la confusion définitive de deux époques, la fusion d’éléments de date très différente et la métamorphose de Charles Martel, le maire du palais auquel Chilpéric préférait Ragenfred (le traître Rainfroy), en un chevalier dont un roi injuste et mal conseillé méconnaît la loyauté, Renaud de Montauban.

  1. P. 214, v. 16 sq.
  2. P. 269, v. 25 sq.
  3. P. 258, v. 16.