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(Aulu-Gelle, Noct. attic., 1. X, c. 18). Sa conclusion est que cette urne est réellement antique ; que l’inscription n’a point été tqoutée par quelque faussaire ; qu’il n’est pas permis de former des doutes sur son authenticité ; puis il cherche enfin à expliquer comment cette urne de la reine de Carie a pu se trouver transportée dans les ruines de Gap, l’ancienne Vapincum tricoriorum de la seconde Narbonnaise.

Toutes ces assertions ne pouvaient pas tenir devant un examen un peu sérieux. N. Alexandre Lenoir, administrateur du Musée des monuments français, lut à l’Académie celtique, dans sa séance du G’ octobre t807, sur le Mémoire de M. Bertrand, un rapport qui fut inséré dans son t 1, p. 299. Il fit remarquer l’incohérence qui existait entre le style et la matière du vase et ses inscriptions grecques ; que tout d’abord, écrivant dans le dialecte dorien, le graveur aurait dû dire : Ἀρτεμισία et non pas Ἀρτεμισιδος[1] ; puis il indique que cette œuvre asiatique d’une antiquité si reculée n’est autre chose qu’un vase indien de fabrique moderne, d’un modèle uni dans son origine, et qui a été ensuite sculpté et orné en Europe ; qu’il n’est même pas du XVIe siècle, ce qui est iris-bien prouvé par les espèces de draperies qu’on y voit, qui ressemblent à certains baldaquins d’église comme on les composait dans le siècle dernier. Il ajoute que la matière de ce vase est ce qu’on appelle serpentine, minéral composé de magnésie et d’alumine. Cette matière est tendre et se travaille très-aisément avec l’outil le plus faible en acier ; en la passant au feu, on la durcit au point de la rendre inattaquable, même avec l’acier qui l’avait coupée avant cette dernière opération. Alors elle prend les propriétés d’une pierre dure, au point que dans certains pays on en fait des vases que l’on consacre aux usages domestiques, et qui remplacent parfaitement nos porcelaines. La serpentine contient aussi de la silice, et elle devient d’un rouge couleur de brique lorsqu’on la passe au feu, parce qu’il y a un peu d’oxyde de fer qui lui donnait une couleur verdâtre avant la cuisson.

On ne peut que suivre l’opinion de M. Al. Lenoir. Déjà, aux numéros 1096 et 1097 de ce Catalogue, on a inventorié quelques objets en serpentine de Saxe, verte parce qu’elle n’avait pas subie l’action du feu ; si le vase dont on s’occupe actuellement est rougeâtre, on ne peut attribuer

  1. La veuve de Mausole s’appelait Ἀρτεμισία (gén. Ἀρτεμισίας), nom qu’il ne faut pas confondre avec celui de la déesse Ἄρτεμις, Diane (gén. Ἀρτέμιδος, dorique Ἀρτάμιτος). La forme Ἀρτεμισιδος ou, si l’on veut, son nominatif Ἀρτέμισις n’a jamais existé que dans l’imagination. (Le commandant Mowat. Notice sur quelques inscr. grecques, dans les Mém. de la Soc. arch. du dépt d’Ille-et-Vil., t. IX, p. 99. no XI.)