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Page:Cavallucci - Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1.pdf/267

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PAUVRES FLEURS 253 triste pour ceux que l’habitude ne rend pas insensibles. Pell de familles pauvres sont exemptes de ce fléau ; une superstition pieuse s’y attache par bonheur et fait soigner ces infortunés comme une sorte de génie familier et bienveillant, qui prend cette figure humble pour garder la maison de tout mal. "Notre padrone, qui prend du plaisir à nous conduire dans sa calèche partout où il espère nous voir admirer sua cara città, assigne une cause triste à cette triste différence ; c’est la misère, hideuse et pâle aussi sous le soleil dont elle parvient à corrompre les doux rayons. D’abord et à tous, par le rite en usage au baptême, on plonge au fond du bénitier la tête du nouveau-né qui s’y fait chrétien et qui demeure im- prégné d’eau durant toute la longueur de la cérémonie. L’enfant riche s’en tire avec d’autres bonnets de dentelles, avec les ablutions moins saisissantes de vin tiède et parfumé qui remet le sang et le cerveau en ordre. Mais le petit chrétien pauvre demeure sous son humide et unique bonnet peut-être, et comme il pousse des cris, on le garrotte comme on le fait encore à Orléans… Il dit aussi que l’extrême pauvreté du peuple le force à porter fréquemment ses enfants à l’hôpital, où des sœurs de charité les reçoivent et les introduisent par un tour, usage dont il est défendu de s’écarter, et que ce tour, étant horriblement étroit, mutile les enfants que l’on y fait passer. J’aime mieux douter que croire à un pareil récit., Deux mois de séjour à Milan ne changèrent point les im- pressions de Marceline, ainsi qu’on le voit par une lettre du 12 septembre qu’elle adresse à son fils : "… Pour te faire une idée juste de ce climat mobile et d’une action mauvaise sur les nerfs, rappelle-toi Lyon, qu’il me retrace plus que je ne voudrais, mais dans cela des rues larges, des maisons basses en granit ; la plus belle cathédrale des rêves d’Adrienne et des églises du IVe siècle, encombrées de richesses et de tombes ; quelques jolies femmes bien fières, bien froides, quelques hom- mes grands et droits comme des peupliers s’élevant au-dessus d’une population rampante de nains, de bossus, d’êtres diffor- mes et traînants, tu auras une idée de Milan, tout rempli d’un parfum de résine et de tabac, de fromage et de jambon qui