Page:Caylus - Oeuvres badines complettes T1.djvu/59

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comme lui, alloient à Londres, dans le dessein de prendre part à la fête. Accablé de lassitude, il s’endormit sur son cheval, qui marchant à l’aventure, s’écarta du reste de la troupe & du grand chemin. Un sentier peu fréquenté qu’il suivit, le conduisit dans un lieu solitaire, planté des plus beaux arbres du monde, & où sur l’herbe tendre & fleurie couloit une fontaine délicieuse, à laquelle les animaux sauvages & domestiques venoient chaque jour se désaltérer.

C’étoit dans ce lieu que le fameux comte Guillaume de Warwick avoit choisi sa retraite. Ce chevalier recommandable par sa naissance & par ses vertus, avoit long-tems porté les armes sur terre & sur mer. Il avoit remporté la victoire dans cinq combats particuliers, s’étoit trouvé à sept batailles générales, dont il étoit sorti vainqueur, son nom étoit célebre dans tous les pays. À l’âge de cinquante-cinq ans, un sentiment de religion lui avoit fait quitter le métier de la guerre pour faire le voyage de Jérusalem. Ni les larmes de la comtesse son épouse qu’il chérissoit, ni les pleurs d’un fils unique qu’il laissoit encore au berceau, ne purent l’arrêter. Il fit une donation de toutes ses terres à la comtesse sa femme, & ayant distribué des sommes considérables à ses vassaux, & aux chevaliers qui s’étoient attachés à lui, il partit suivi d’un seul écuyer ; & après avoir visité les saints lieux, il se rendit à Venise.