Page:Caylus - Oeuvres badines complettes T1.djvu/60

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Là, il donna tout ce qui lui restoit d’argent à ce fidele domestique qui l’avoit suivi ; & il exigea de lui, qu’à son retour en Angleterre il répandroit le bruit de sa mort. Pour rendre cette nouvelle plus vraisemblable, le comte engagea quelques négocians Anglois établis à Venise ; à là mander dans leur pays. La comtesse l’apprit avec la douleur la plus vive, & fit faire à ce mari qu’elle avoit aimé tendrement, des obseques dignes de la naissance & de la valeur d’un aussi bon chevalier.

Cependant le comte après avoir laissé croître ses cheveux & fa barbe, prit un habit d’hermite, & vivant d’aumônes, retourna en Angleterre, où il choisit pour fa demeure une solitude située sur une haute montagne, peu éloignée de sa ville de Warwick. Il y vivoit inconnu à tout le monde, & sous son habit d’hermite il alloit une fois la semaine à la ville pour y recevoir les aumônes de ses anciens sujets. Il s’adressoit plus souvent à sa vertueuse épouse qu’a tout autre, parce qu’il ne pouvoit se refuser le plaisir de jouir de la tristesse dans laquelle elle étoit plongée, & de voir combien elle étoit attachée à ses devoirs. De son côté la comtesse, par un sentiment secret dont elle ignoroit la cause, lui donnoit plus souvent, & plus abondamment qu’aux autres pauvres.

Le comte avoit déjà passé quelque tems dans fa solitude, lorsque la fortune l’en retira, pour