Page:Challamel - Souvenirs d’un hugolâtre.djvu/11

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tion, car je me rappelais certains épisodes de la Révolution de 1789, par moi lus dans quelques ouvrages d’histoire.

J’éprouvais un indéfinissable serrement d’estomac. Pourquoi ne l’avouerais-je pas ? J’avais peur, — et je n’attendis pas un ordre réitéré de nos maîtres pour retourner à la maison paternelle, d’autant plus qu’elle était située tout près du pensionnat, dont deux jardins étroits la séparaient.

Comme je franchissais, en courant, le seuil de la porte cochère de l’institution, je vis des hommes en bras de chemise qui roulaient des tonneaux vides, en les dirigeant vers la rue Saint-Victor ; je vis d’autres gens du quartier qui brouettaient des pavés et du sable ; je vis enfin, distinctement, que l’on élevait une barricade dans le carrefour, au bas de la rue des Fossés.

La curiosité me porta d’abord à examiner de plus près les choses, et je suivais les barricadiers, quand mon oncle, caporal invalide, se présenta à moi.

Il venait me chercher, et il m’emmena sans tarder chez mon père.

Nous allongions le pas. La bravoure chez l’invalide n’excluait pas la prudence.

Au même instant, une détonation se fit entendre.

J’accompagnai mon oncle, sans prononcer une