Page:Challamel - Souvenirs d’un hugolâtre.djvu/56

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parce qu’elle trouve qu’il ne gouverne pas assez despotiquement son troupeau et, je vous le confie sous le sceau du secret, le pauvre Robin-Mouton est enragé. Ce n’est pas que sa rage soit apparente, au contraire, il cherche autant que possible à la dissimuler. Éprouve-t-il un accès, a-t-il besoin de satisfaire une mauvaise pensée, il a bien soin de regarder auparavant si personne ne l’observe ; car Mouton-Robin sait quel sort on destine aux animaux qui sont atteints de cette maladie. Il a peur des boulettes, Robin-Mouton, et il sent sa faiblesse. Si encore il était un bélier, oh ! qu’il userait largement de ses deux cornes ! Comme il nous ferait valoir ses prérogatives sur la gent moutonnière qui le suit ! Peut-être même serait-il capable de déclarer la guerre au troupeau voisin ; mais hélas ! il est d’une famille qui n’aime pas beaucoup à se battre et, quelles que soient les velléités de conquêtes qui le chatouillent, il se ressouvient avec amertume que c’est du sang de mouton qui coule dans ses veines. Cette idée fatale le désespère… Console-toi, Robin, tu n’as pas à te plaindre ; ne dépend-il pas de toi de mener une vie paresseuse et commode ? Qu’as-tu à faire du matin au soir ? Rien. Tu bois, tu manges et du dors ; tes moutons exécutent docilement tes ordres, contentent tes moindres caprices ; ils sautent à ta volonté ; que