DE CHAMFORT. agS
nité : voilà ce qui doit intéresser tous les coeurs. Je veux bien passer au poète la combinaison d'in- cidens divers dont il doit résulter de si grands mouvemens ; mais que cette mère dans l'indigence, souffrant dans elle-même et dans sa fille , refuse la restitution de ses biens , c'est-à-dire , ne per- mette pas que son juge s'acquitte d'un devoir rigoureux , alors je vois un être imaginaire , pro- duit par un auteur qui , dans ce moment , n'avait pas le sentiment juste des convenances véritables.
Une autre raison pour laquelle un auteur doit s'attacher à n'exprimer que des sentimens vrais , c'est que plusieurs bons esprits ayant vu , dans la plupart des ouvrages de théâtre , une fausse gran- deur , rien de tout ce vain étalage dramatique dont rien n'est à leur usage ; au lieu qu'un sen- timent noble et ju^fe passe rapidement dans une âme bien faite , qui l'adopte avec avidité.
Il faut un sens très-exquis pour s'arrêter , à cet égard, dans les justes bornes; et ce n'est que de- puis Racine qu'on les a fixées. Pompée implore le secours dU roi d'Égvpte ; il a mis en sûreté la moitié de lui-même ; il n'a plus rien à craindre que pour sa vie ; il prévoit le traitement qu'on va lui faire ; il s'abandonne à sa destinée sans se plaindre: voilà un grand homme. Mais il dédaigne de lever les yeux au ciel ,
De peur que , d'un coup d'œil , contre une telle offense , Il ne semble implorer son aide ou sa vengeance :
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