Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/120

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I 12 CfEUVRES

sion ; mais songez que, si elle n'était pas possédée de la passion forcenée de régner, on ne la pourrait pas souffrir, et que si elle n'était pas punie, la pièce ne pourrait être jouée.

C'est une règle puisée dans la nature, qu'il ne faut point parler d'amour quand on vient de com- mettre un crime horrible, moins par amour que par ambition. Comment le froid amour d'un scé- lérat pourrait-il produire quelque intérêt ? Que le forcené Ladislas , emporté par sa passion , teint du sang de son rival, se jette aux pieds de sa maî- tresse, on est ému d'horreur et de pitié. Oreste fait un effet admirable dans Andromaque , quand il paraît devant Hermione , qui Ti^forcé d'assassi- ner Pyrrhus. Point de ^ands crimes , sans de grandes passions qui fassent pleurer pour le cri- minel même : c'est là la vraie tragédie.

Le plus capital de tous les défauts dans la tra- gédie, est de faire commettre de ces crimes qui révoltent la nature , sans donner au criminel des remords aussi grands que son attentat, sans agiter son âme par des combats touchans et terribles , comme on l'a déjà insinué.

L'importance de la tragédie se tire de la dignité des personnages et de la grandeur de leurs in- térêts.

Quand les actions sont de telle nature (pie , sans rien perdre de leur beauté, elles ponrraient se passer entre des personnes peu considérables, les noms des princes et des rois ne sont qu'une pa-

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