Page:Champollion - Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, 1824.djvu/358

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 308 )

vaient jamais connu le nom de l’inventeur de leurs signes phonétiques, en faisaient honneur, au temps de Platon, à l’une de leurs divinités du second ordre, à Thoth[1], que l’on regardait également comme le père des sciences et des arts.

L’idée de représenter un son par un caractère de forme tout-à-fait arbitraire, ne vint certainement point à celui qui, le premier, inventa une écriture alphabétique : des signes de cette espèce exigent une trop forte abstraction, et de la part de celui qui les invente, et de la part de ceux qui en usent. Un alphabet composé de signes arbitraires ne peut naître, dans mon opinion du moins, que de deux manières : ou il résultera du temps seul, qui a corrompu et dénaturé, par l’effet d’un long usage, la forme des signes de sons qui, dans leur origine, n’étaient pas plus absolument arbitraires que les mots ; ou bien cet alphabet aura été composé par un individu, lequel n’a nullement inventé la méthode alphabétique, mais qui, voulant donner un alphabet propre à sa nation, inventa une suite de signes, en se réglant, quant à leur nature et à leur destination, sur l’alphabet en usage chez un peuple voisin : ce copiste n’aura plus saisi l’esprit primitif de cette méthode ; il aura pu arriver même que les traces de cet esprit eussent déjà disparu de l’alphabet qui servait de modèle.

73. On a cru assez généralement que l’écriture alphabétique a pu naître de l’écriture représentative pure.

  1. Platon. Philebus, pag. 374, édit. de Francfort, 1602.