Page:Champsaur - Homo-Deus, Ferenczi, 1924.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
Cette page n’a pas encore été corrigée


remué, en retrouvant le parc séculaire, le vieux toit qui s’y cache, et vos amis.

Pendant que Frédéric accaparait Vanel, Tchitchérine, un peu étonné de se trouver en ce décor de pays perdu, se tourna, souriant, vers le docteur Fortin.

— Je reviens d’Amérique, où j’ai passé, pour la propagande, des jours et des nuits dans une fièvre incessante d’activité, au sein des villes populeuses et sans air, dans les tristes quartiers ouvriers de San-Francisco, de New-York, de Chicago, partout où je croyais gagner des âmes à notre cause ; et c’est aujourd’hui seulement, près de Paris, que je puis admirer une véritable forêt vierge.

Marc Vanel, lui, interrogeait Frédéric tout en le considérant. Ce domestique était un type curieux. Au physique, une sorte de géant des montagnes, sec et brun, avec une figure hâlée de pâtre pyrénéen. Il n’y avait pas un gramme de graisse sur ces muscles durs et longs comme des cordes. Ses yeux semblaient emplis d’une nostalgie douce et lointaine, où l’on devinait toute la sauvage poésie du pays basque.

L’homme était sobre en tout. Jamais il ne commettait d’excès, et il parlait très peu. Doué d’une force d’ours brun dont il gardait les manières un peu brusques, peut-être parce qu’il en avait combattu autrefois, alors qu’il vivait dans la montagne, il suffisait à la garde de cette maison, pourtant bien isolée. C’était une sorte de domestique légendaire et dévoué, figure d’un passé lointain, l’ami de la famille d’autrefois — domi amicus, — qui avait sa place immuable au foyer.

— Où est donc Jeanne ? lui demanda Vanel. On ne la voit pas.

— Quand elle est dans ses inventions, le diable ne la ferait pas sortir. Je crois même que si le feu était à la maison, elle ne se sauverait que quand elle aurait