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les marins de la « jeannette »


Et l’Océan polaire, ignoré du soleil,
Incessamment voilé d’une nuit sans réveil,
Jeta durant des mois son rôle et son écume
À ces preux endormis pour toujours dans la brume.
 
Pour retrouver ses fils et recueillir leurs os,
La patrie en deuil a versé son or à flots ;
Et, pendant que, roulés dans les plis du suaire,
Ils traversaient l’Europe, un long glas mortuaire
A tinté dans les cœurs, la bouche des canons
À tous les vents du ciel a répété leurs noms ;
Partout ont résonné les cloches, les fanfares,
Partout, la nuit, les tours ont lui comme des phares,
Et devant les cercueils de ces sublimes fous
La France enthousiaste est tombée à genoux ;
Et puis son œil rêveur a suivi sur la lame
La nef portant les os des vaillants qu’on acclame ;
Et lorsque l’Amérique a reçu ses héros,
Quand leurs frères, parmi les vivats, les sanglots,
Sont allés les coucher sous la funèbre voûte,
Flottant sur des Français inclinés sur la route,