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les aspirations

Il décroît, il décroît, dans le courant lointain,
Où le dernier reflet du couchant s’est éteint,
Et sur lequel le soir verse déjà son ombre.
Il décroît, il décroît toujours dans la pénombre…
Il vient de s’engager dans le « saut » écumant,
Et sa masse à nos yeux disparaît par moment
Sous les blancs tourbillons des flots qui le submergent.
De partout, devant lui, de noirs rochers émergent.
Là tout est trahison, rage, tourment, horreur,
Et l’abîme rugit comme un fauve en fureur,
Les pins flottés, sur l’eau que la nuit enténèbre,
S’entrechoquent avec un bruit sourd et funèbre,
Et les arbres du bord, plein de sombres clameurs,
Défilent devant l’œil aveuglé des rameurs,
Comme un rideau d’éclairs qui sans fin se déroule.
Guetté par les brisants, poursuivi par la houle,
Gémissant sous l’effort vertigineux des flots,
D’où montent à la fois des rires, des sanglots,
Le radeau fuit toujours sur les eaux effrénées,
Se dressant au sommet des vagues déchaînées,
Où plongeant brusquement dans des remous sans fond.
Par instants avec l’ombre et l’écume il se fond,