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le radeau

Par instants on croirait que plus rien ne surnage.
La « cage » de douleur vibre dans l’engrenage
Qui l’entraîne sans fin vers le fleuve géant,
Et dans la fauve horreur de l’abîme béant
La vitesse des flots délirants s’accélère,
Et les fiers « voyageurs », en proie à la colère
De la vague qui hurle autour du lourd radeau
Et les couvre parfois d’une avalanche d’eau,
Debout, l’œil en éveil, comme cloués aux rames,
Le visage cinglé par le grand fouet des lames,
Guident, sans tressaillir, sur le gouffre qui bout,
À travers les écueils qui se dressent partout,
La flottante forêt qu’emporte le rapide…

Le long saut est franchi par le groupe intrépide,
Qui, tout joyeux, s’est pris à chanter aussitôt…
Et le vent nous apporte, en caressant le flot
Du grand lac qu’a doré l’aile de la légende,
Les sonores lambeaux d’une chanson normande.