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les aspirations

Le fort qui fait flotter sous les baisers du vent
Les plis immaculés du drapeau de la France,
Leur dernier protecteur, leur dernière espérance,
Et, la main sur le cœur, longuement, avec feu,
Leur parle du devoir, de la France et de Dieu.

Tout à coup le clairon retentit sur la grève…
Une acclamation immense s’en élève,
Et deux cents Sorelois s’élancent sur les flots,
Pour aller attaquer au large les brûlots
Qui lancent des boulets rouges sur le village,
Dont les canons tonnants font tressaillir la plage,
Pendant que le curé, tremblant d’un saint courroux,
Étend vers eux la main, disant : ― Je vous absous ! ―

Les canots qui s’en vont sur l’onde remuée
Combattre les trois-mâts ont l’air d’une nuée
De moustiques volant assaillir un lion.

Les fiers Sorelois, forts de l’absolution,
Rament à tour de bras, et, ceinture vivante
Déroulant ses anneaux sur la vague mouvante,