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Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/43

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Cette toile faisait d’abord penser à un nu de Gromaire. Il s’en dégageait une impression de sensualité qui vous remuait jusqu’aux lombes. Comme dans le souvenir de Georges, la tête ne retenait pas l’attention, les seins non plus, d’une exactitude trop géométrique, mais les jambes, la droite relevée et soutenant le coude, la gauche retombée et la courbe affolante du ventre manifestaient une intention érotique.

Cette œuvre faisait lever au fond de la mémoire de l’écrivain le fantôme d’une jeune femme rencontrée dans sa jeunesse. De quelques années plus jeune que lui, et fascinante, elle s’ingéniait à l’envelopper dans une résille de rumeurs à son sujet, trouvant le moyen de l’occuper à toutes les heures d’elle-même. Un jour, c’était sa photo en maillot de bain glissée comme par hasard dans le livre qu’il lisait, plus tard, un dessin érotique mal effacé sur le bord de son sous-main. Elle voulait qu’il pensât constamment à elle, comme elle-même pensait à lui.

Colette, immobile, le visage tendu, attendait le verdict de son beau-fils, retenant son bras et de tout son être quêtant son approbation.