Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/240

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rituelles sont totalement étrangères à l’honnêteté de la raison. Les pratiques surhumaines, religieuses, infernales ou divines, inhumaines, sont totalement étrangères à l’humanité de la raison. La raison est honnête homme. Il n’y a pas un clergé de la raison. Nous n’avons pas renoncé, nous n’avons pas dénoncé les religions d’hier pour annoncer la religion de demain, pour prêcher quelque religion nouvelle. Nous sommes irréligieux de toutes les religions. Nous sommes athées de tous les dieux. Dans le douloureux débat de la raison et de la foi nous n’avons pas laissé la foi pour la foi dans la raison, mais pour la raison de la raison. La raison n’admet ni prophéties ni déclamations ni proclamations, — ni dogmes ni décrets des conciles ni brefs des papes. Et c’est tromper lamentablement le peuple perpétuel que de lui présenter les vérités de la raison sur le même ton et comme on lui annonçait les vérités prétendues révélées.

La raison ne procède pas de l’autorité parlementaire. Elle ne tient ni de ces longues assemblées, que nous nommons parlements, ni de ces assemblées courtes, que nous nommons congrès. La raison n’a ni président, ni assesseurs, ni secrétaire, ni aucun bureau. Elle manque souvent de sténographes. Elle n’a pas toujours un procès-verbal, un compte rendu. Elle ne constitue aucun comité directeur. Elle ne procède pas par votation. Elle n’est pas soumise à la loi de majorité. Elle n’est pas proportionnelle au nombre. Beaucoup peuvent se tromper. Il se peut qu’un seul ait raison. Même il se peut que pas un n’ait raison. La raison ne varie pas avec le nombre. Elle ne flatte pas plus les foules qu’elle