Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/244

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Nous ne méprisons pas les humanités passées, nous n’avons ni cet orgueil, ni cette vanité, ni cette insolence, ni cette imbécillité, cette faiblesse. Nous ne méprisons pas ce qu’a d’humain l’humanité présente. Au contraire nous voulons conserver ce qu’avaient d’humain les anciennes humanités. Nous voulons sauver ce qu’a d’humain l’humanité présente. Nous évitons surtout de faire à l’humanité présente la plus grave injure, qui est de la vouloir dresser. Nous n’avons pas la présomption d’imaginer, d’inventer, de fabriquer une humanité nouvelle. Nous n’avons ni plan ni devis. Nous voulons libérer l’humanité des servitudes économiques. Libérée, libre, l’humanité vivra librement. Libre de nous et de tous ceux qui l’auront libérée. Ce serait commettre la prévarication maxima, le détournement le plus grave que d’utiliser la libération pour asservir les libérés sous la mentalité des libérateurs. Ce serait tendre à l’humanité comme un guet-apens universel que de lui présenter la libération pour l’attirer dans une philosophie, quand même cette philosophie serait étiquetée philosophie de la raison.

Attacher au socialisme un système, lier au socialisme, fût-ce au nom de la raison, un système de science, ou d’art, ou de philosophie, c’est littéralement commettre un abus de confiance envers l’humanité. Attirer l’humanité vers sa libération pour la précipiter dans un système, c’est commettre au nom de la raison la malversation que l’Église a commise au nom de la foi. C’est vendre à l’humanité ce que nous devons lui donner. C’est vendre un objet que nous ne devons pas laisser tomber dans le commerce économique. Par une libération