Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/250

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l’on croyait inimitable. De toutes les solutions que l’on peut imaginer au problème intellectuel-manuel, celle-ci est la plus injurieuse à la fois pour les intellectuels et pour les manuels, car elle suppose que les intellectuels sont si sensibles aux plaisirs douteux d’un amusement pervers qu’ils en oublient les plus simples éléments de la moralité commune, et elle suppose que les ouvriers manuels sont si empressés d’indignation grossière qu’ils ne se renseignent jamais sur le bien fondé, sur la vérité, sur la justice des réquisitoires que des procureurs de complaisance, que des avocats-généraux de journalisme leur jettent.

Ce n’est pas cette solution injurieuse, douteuse, double, que nous acceptons. En attendant que par le changement préliminaire de plan qui nous paraît capital dans la future, dans la prochaine histoire de l’humanité, la santé du travail manuel avec la santé du travail intellectuel soit dévolue à tous les hommes, en attendant que la relation du manuel à l’intellectuel se pose librement en tout homme, puisque dans la société présente les répartitions sont faites entre individus et non entre élaborations du même individu, de la même personne, du même homme, puisque le travail manuel et le travail intellectuel sont distribués à des individus différents, sans communication normale, puisque, sauf exceptions, peu nombreuses, les uns ne travaillent guère que de leurs mains, et les autres de la raison, notre solution sera la simple solution de la liberté professionnelle. Pour la même raison que les boulangers ne font pas les maisons, et que les laboureurs ne font pas les habits, pour la même raison les ouvriers