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comité de rédaction que dans un conseil des ministres ; et autant de faiblesse démagogique. Les journalistes écrivent comme les députés parlent. Un rédacteur en chef est un président du conseil, aussi autoritaire, aussi faible. Il y a moins de libéraux parmi les journalistes que parmi les sénateurs.

C’est le jeu ordinaire des journalistes que d’ameuter toutes les libertés, toutes les licences, toutes les révoltes, et en effet toutes les autorités, le plus souvent contradictoires, contre les autorités gouvernementales officielles. — Nous simples citoyens, vont-ils répétant. Ils veulent ainsi cumuler tous les privilèges de l’autorité avec tous les droits de la liberté. Mais le véritable libertaire sait apercevoir l’autorité partout où elle sévit ; et nulle part elle n’est aussi dangereuse que là où elle revêt les aspects de la liberté. Le véritable libertaire sait qu’il y a vraiment un gouvernement des journaux et des meetings, une autorité des journalistes et des orateurs populaires comme il y a un gouvernement des bureaux et des assemblées, une autorité des ministres et des orateurs parlementaires. Le véritable libertaire se gare des gouvernements officieux autant que des gouvernements officiels. Car la popularité aussi est une forme de gouvernement, et non des moins dangereuses. La raison ne se fait pas de clientèle. Un journaliste qui joue avec les ministères et qui arguë du simple citoyen n’est pas recevable. Cela aussi est double, et cela est trop commode.

Quand un journaliste exerce dans son domaine un gouvernement de fait, quand il a une armée de lecteurs