Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/290

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pour le prolétariat à dériver vers lui des mouvements qu’il n’eût pu susciter lui-même, cette tactique de la force croissante et hardie mais subordonnée encore, la classe ouvrière l’a employée d’instinct dans toutes les crises de la société démocratique et bourgeoise. Marx en avait reçu l’idée de la révolution française et de Babeuf. Après 1830, les mouvements ouvriers de Paris et de Lyon prolongèrent en une confuse affirmation prolétarienne la révolution de la bourgeoisie. En 1848, les prolétaires de Paris, de Vienne, de Berlin tentèrent, en d’audacieuses journées, de dériver vers le socialisme le mouvement de la Révolution. La fameuse parole de Blanqui : « On ne crée pas un mouvement, on le dérive » est l’expression même de cette politique. C’est la formule active du Manifeste communiste de Marx, c’est le mot d’ordre d’une classe qui se sent mineure encore mais appelée à de hautes destinées. En 1870, le 31 octobre succédant au 4 septembre est une reprise de la méthode marxiste et blanquiste. Dans la commune même, l’action croissante du prolétariat socialiste se substituant à la démocratie petite-bourgeoise est encore une application de la tactique du Manifeste : greffer la révolution prolétarienne sur la révolution démocratique et bourgeoise.

Lassalle avait eu une ambition plus hardie. Lui,