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des régions entières d’où les journaliers ont disparu, où les familles de métayers sont juste assez nombreuses pour suffire à l’exploitation des domaines bourgeois actuellement constitués, et où les petits propriétaires, n’ayant qu’un enfant, ne travaillent jamais en dehors de leur petit domaine.

Cela est littéralement vrai du plateau de l’Albigeois. Et, dans le vignoble autour de Gaillac, la grande propriété tend à diminuer. Le nombre des petits propriétaires vignerons possédant assez de vignes pour y trouver l’emploi de tout leur travail s’accroît. Il y a environ un tiers de la population qui ne possède pas. Ce sont ou des prolétaires qui n’ont rien, ou des prolétaires qui ne possèdent qu’un infime lambeau de vigne insuffisant à occuper leurs bras et à les faire vivre. Mais ce tiers de non-possédants a plutôt tendance à décroître, et comme, par leur nombre relativement faible et presque toujours décroissant, ces ouvriers ruraux sont mieux en état de défendre leurs salaires, comme ils ont obtenu depuis quelques années un salaire plus haut, la grande propriété n’ose pas s’étendre davantage, de peur d’avoir à compter avec une main-d’œuvre trop rare, et par conséquent trop puissante.

Notons bien que je ne prétends pas que ces traits s’appliquent à toutes les régions agricoles de France. Mais ils sont vrais dans une assez grande étendue.