Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/344

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Or, voici les conséquences sociales de cet état économique.

D’abord, tout naturellement, il semble malaisé d’instituer un puissant mouvement prolétarien dans les régions où la substance même de ce mouvement, c’est-à-dire le prolétariat lui-même, a une tendance à décroître. Je sais bien que dans le Midi les métayers sont nombreux encore. Et certes, ils commencent à avoir un sentiment de classe. Ils commencent à comprendre qu’une organisation sociale est possible où ils ne seraient pas réduits à percevoir la moitié des fruits du sol. Mais cet instinct de classe est souvent incertain et mêlé. Ils ne sont pas de purs prolétaires : ils possèdent une partie du capital agricole, bestiaux, machines, engrais, fourrages. Ils ont souvent une assez grande liberté dans la conduite de l’exploitation. Enfin, comme ils portent au marché la partie de leurs produits qu’ils ne consomment pas, ils ont, en ce point, le même intérêt que les propriétaires fonciers à ce que les cours du bétail, du blé, du vin, soient suffisamment élevés. Ainsi, leur intérêt immédiat n’est pas en opposition avec l’intérêt de la classe foncière possédante, et beaucoup de métayers ont été aisément enveloppés dans le mouvement protectionniste. En tout cas, une région où il n’y a presque pas de journaliers, de salariés agricoles proprement dits,