Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/348

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le paysan propriétaire devient, presque à son insu, collectiviste pour la vente. Il est de plus en plus soumis à des crises de prix formidables. C’était, depuis des années, pour le blé. Et voici que l’heureuse et admirable renaissance de la vigne a cet effet terrible et paradoxal de ruiner les vignerons. Évidemment, une grande baisse de prix était rendue nécessaire par la fécondité du plant américain greffé, par l’excellence de deux récoltes successives. Cette baisse de prix, si elle s’était tenue dans de justes limites, aurait été bonne pour tous. Mais notre système économique et social est si déréglé que la baisse, soudain précipitée à un degré incroyable, a accablé les producteurs viticoles, ruinés par l’abondance même du produit. Aussi les producteurs paysans aspirent-ils à être délivrés de ces désordres ruineux du marché. Et si le blé, le vin étaient acquis par des fédérations de coopératives et par des fédérations de communes, si le prix en était déterminé selon l’abondance de la récolte, les frais d’exploitation scientifique et de perfectionnement et le salaire normal des travailleurs employés à la culture, les propriétaires paysans, affranchis de la spéculation, du parasitisme mercantile, de l’anarchie du marché, travailleraient avec la certitude allègre d’une rémunération équitable. Ce collectivisme de l’échange ne les effraie nullement.