Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/378

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silencieuse. — le rôle nouveau des classes ouvrière et paysanne dans la vie nationale et gouvernementale italienne est aussi l’équivalent paisible d’une révolution : c’est un autre risorgimento. — et de même la poussée multiple du prolétariat français. Le tsarisme peut contrarier et amortir tous ces mouvements. Il peut, par sa diplomatie à la fois subtile et pesante, envelopper les gouvernements ; mais il ne peut plus arrêter l’irrésistible mouvement des nations vers l’entière démocratie, et l’irrésistible croissance de la classe ouvrière dans les démocraties.

Ainsi, l’obstacle qui, selon Marx, devait disparaître avant que la classe ouvrière fût capable vraiment en Europe du pouvoir politique, n’a pas été brisé, mais il a été diminué ou tourné. Il a été diminué par la guerre de Crimée, qui a immobilisé pour de longues années l’autocratie russe, et qui a permis, quatre ans après, en 1859, la résurrection de la nation italienne. Il a été tourné par la subtilité de l’histoire, qui a désarmé les défiances du tsarisme en suscitant un commencement de démocratie allemande sous les auspices de l’absolutisme prussien. Il est miné sur place par la force grandissante de la classe ouvrière et du libéralisme russes. Enfin, il est éludé et comme réduit à rien par la continuité même de la croissance