Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/410

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le travail parlementaire. Ses collègues ne l’écoutèrent point, et ils eurent bien raison ; car à quoi bon entrer au Parlement, si sous prétexte de ne pas se compromettre, on se refuse, dans le détail, à tout ce qui peut rendre l’action parlementaire efficace.

Je ne note ce menu trait que parce qu’il caractérise un état d’esprit. Gêné par ses paroles tranchantes d’autrefois, Liebknecht, un moment, affectait d’être au parlement comme s’il y était pas. Quand il réfléchissait aux conditions de réalisation du socialisme, quand dans la sincérité de sa pensée il interrogeait l’avenir, il aboutissait à une conception tout à fait large : il voyait le socialisme pénétrant peu à peu la démocratie et s’imposant, par des conquêtes partielles et successives du pouvoir, même au gouvernement de la société bourgeoise en transformation. Puis, il était troublé et repris par les habitudes premières d’intransigeance. C’est de cette contradiction entre des formules anciennes qui ont cessé d’être vraies, mais qu’on n’ose rejeter nettement, et des nécessités nouvelles que l’on commence à reconnaître, mais qu’on n’ose pleinement avouer, que viennent les malaises, les mouvements chaotiques du socialisme à l’heure présente. C’est par une contradiction de cette sorte que Liebknecht, dans le manuscrit même où il prévoit la collaboration