Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/425

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savent qu’ils font les députés, les conseillers généraux et les sénateurs, et ils ne toléreraient nullement un grand mouvement social qui se ferait sans eux.

Je crois qu’il est imprudent de dire que la neutralité des paysans suffirait, que le socialisme leur demanderait seulement de laisser faire. Aucune grande force sociale ne reste neutre dans les grands mouvements. S’ils ne sont pas avec nous, ils seront contre nous.

D’ailleurs, comme l’ordre collectiviste suppose le concours des paysans, comme il faudra, par exemple, qu’ils consentent à vendre leurs produits aux magasins sociaux, leur résistance passive suffirait à affamer et à perdre la révolution. Ils connaissent leur puissance et ils ne la laisseront point tomber de leurs mains. Même l’initiative économique dont ils font preuve depuis plusieurs années, l’esprit de progrès qui les anime, tout témoigne qu’ils n’assisteraient point inertes et passifs à de grands événements sociaux, dont les effets ne tarderaient point à se répercuter sur leur propre vie. Ou ils les seconderont, ou ils les refouleront.

J’ajoute que les classes privilégiées d’aujourd’hui ont infiniment plus d’autorité, et par conséquent de puissance que les classes privilégiées d’avant