Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/451

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sans doute nulle grève générale n’équivaudra. Une portion considérable de la population valide, quinze cent mille hommes sur une population de vingt-cinq millions sont arrachés aux champs et aux ateliers et jetés aux frontières. La guerre civile fait rage, en même temps que la guerre étrangère. La Vendée, la Bretagne, le Midi, Lyon sont soulevés et en feu. La moitié de la France est armée contre l’autre moitié. L’été aride et ardent a appauvri les moissons. Le blé circule malaisément, chaque département, chaque district voulant se réserver le plus de grain possible. Bien que Paris ne soit pas investi, il est soumis à un véritable régime d’état de siège : il y faut faire queue à la porte des boulangers ; le rationnement est établi ; le pain est rare. La baisse des assignats jette un trouble extrême dans toutes les transactions. Et à travers toutes ces difficultés, la France garde assez de puissance vitale, la société révolutionnaire garde assez de ressort pour se défendre d’abord et bientôt reprendre l’offensive. On peut prendre par la famine et par la force une cité ; on ne prend pas ainsi une société tout entière. Il faut qu’elle se livre elle-même. En 1870-1871, un tiers de la France est occupé, Paris est assiégé ; la guerre civile succède à la guerre étrangère ; une rançon formidable est imposée à la nation, et malgré tout, les sources profondes de la vie ne sont pas