Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/452

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atteintes, et elles jaillissent de nouveau avec une merveilleuse abondance dès les premiers jours de paix.


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En supposant même qu’une grève générale révolutionnaire parvienne à obstruer les ports, à immobiliser les locomotives, à détruire les voies ferrées, à occuper souverainement quelques régions particulièrement ouvrières, à menacer et à réduire l’approvisionnement de quelques grandes villes et de la capitale, l’ingénieuse nécessité fera apparaître d’innombrables ressources cachées. Au besoin, la vie sociale, la consommation se réduiront dans des proportions énormes, et la nature humaine s’accommodera de ces tragiques privations, comme à la fin d’un long siège elle s’accommode d’un régime dont la seule idée, quelques mois plus tôt, aurait fait frémir les plus braves. Et si la société bourgeoise et la propriété individuelle ne veulent pas capituler, si la grande majorité des citoyens est opposée au nouvel ordre social que la grève générale veut instaurer par un coup de surprise, la société bourgeoise et la propriété individuelle trouveront le moyen de vivre, de se défendre, de rallier peu à peu, dans le désordre même et le désarroi de la vie économique bouleversée, les forces de conservation et de réaction.