Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/457

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gouvernement de tout moyen de communication, se sera isolée et émiettée elle-même.

Ainsi, il est absolument chimérique d’espérer que la tactique révolutionnaire de la grève générale permettra à une minorité prolétarienne hardie, consciente, agissante, de brusquer les événements. Aucun artifice, aucun mécanisme à surprise ne dispense le socialisme de conquérir par la propagande et la loi la majorité de la nation.

Est-ce à dire que l’idée de grève générale est vaine, qu’elle est un élément négligeable dans le vaste mouvement social ? Pas le moins du monde. D’abord, j’ai montré comment, à quelles conditions et sous quelle forme elle pouvait accélérer l’évolution sociale et le progrès ouvrier. En second lieu, c’est déjà pour une société un signe terrible et un avertissement décisif qu’une pareille idée puisse apparaître à une classe comme un moyen de libération. Quoi ! C’est la classe ouvrière qui porte l’ordre social ; c’est elle qui produit et qui crée. Si elle s’arrête, tout s’arrête. Et on peut dire d’elle le mot magnifique que Mirabeau, le premier annonciateur de la grève générale, disait de l’ensemble du tiers-état, encore uni, ouvriers et bourgeois :

« Prenez garde ! criait-il aux privilégiés, n’irritez pas ce peuple qui produit tout, et qui pour être formidable n’aurait qu’à être immobile. »