Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Or, à ce prolétariat qui a cette formidable puissance négative, et qui peut tout au moins être tenté d’en user, les classes possédantes et dirigeantes n’ont su accorder jusqu’ici qu’une trop faible part de puissance positive. Elles ont donné ou elles ont laissé à la classe ouvrière si peu de confiance en l’efficacité de l’évolution légale, qu’elle est comme fascinée de plus en plus par l’idée de refuser tout le travail. Le travail songeant à se refuser, le cœur méditant de s’arrêter : voilà à quelle crise intérieure profonde nous ont conduits les égoïsmes et l’aveuglement des privilégiés, l’absence de tout plan d’action. C’est vers l’abîme de la grève générale révolutionnaire que le prolétariat se sent de plus en plus entraîné, au risque de se briser en y tombant, mais en emportant avec lui pour des années ou la richesse ou la sécurité de la vie.

La grève générale, impuissante comme méthode révolutionnaire, n’en est pas moins, par sa seule idée, un indice révolutionnaire de la plus haute importance. Elle est un avertissement prodigieux pour les classes privilégiées, plus qu’elle n’est un moyen de libération pour les classes exploitées. Elle est, au cœur de la société capitaliste, comme une sourde menace, qui, même si elle se résout enfin en accès impuissants, atteste un désordre