Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/481

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Mais aux grands rêves d’harmonie et de richesse pour tous, aux grandes conceptions constructives de Fourier et de Saint-Simon, la bourgeoisie de Louis-Philippe répond par un redoublement d’exploitation de classe, par l’utilisation intensive et épuisante des forces ouvrières, par une orgie de concessions d’État, de monopoles, de dividendes et de primes. Il eût été au moins naïf d’opposer plus longtemps à cette audacieuse exploitation des rêves idylliques. C’est par l’âpre critique de la propriété, de la rente, du fermage, du profit, que répliqua Proudhon : et ici encore la parole qui devait être dite fut dite sous la dictée même et l’âpre inspiration de la vie.

Mais comment compléter l’œuvre de critique par une œuvre d’organisation ? Comment grouper en une vaste unité de combat tous les éléments sociaux que menaçait ou qu’opprimait la puissance de la banque, du monopole et du capital ? Proudhon démêla très vite que l’armée de la démocratie sociale était disparate, qu’elle était mêlée d’un prolétariat de fabriques encore insuffisant en nombre et en force, et d’une petite bourgeoisie industrielle et marchande, d’une artisanerie que la concentration et l’absorption capitaliste guettaient mais n’avaient pas abolie encore. De là, dans la partie positive de l’œuvre de Proudhon, des flottements et des contradictions ; de là un singulier mélange de réaction et de