Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/482

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révolution selon qu’il s’applique à sauver par des combinaisons factices de crédit la petite bourgeoisie industrielle ou qu’il pressent l’avènement de la classe ouvrière, force de révolution. Il aurait voulu suspendre les événements, ajourner la crise révolutionnaire de 1848 pour donner à l’évolution économique le temps de dessiner plus nettement sa ligne, et de mieux orienter les esprits. Mais, ici encore, d’où viennent ces hésitations, ces scrupules ou même ces efforts contradictoires, sinon du contact de la sincère pensée socialiste avec la réalité complexe et encore incertaine ? C’est la vie du siècle qui sans cesse retentit en elle.

Et voici que depuis 1848 la grande force décisive et substantielle se manifeste et s’organise. Voici que la croissance de la grande industrie suscite un prolétariat ouvrier, toujours plus nombreux, toujours plus cohérent, toujours plus conscient. Ceux qui avec Marx ont salué l’avènement de cette puissance décisive, ceux qui ont compris que par elle le monde serait transformé ont pu s’exagérer la rapidité du mouvement économique. Ils ont pu, moins prudents que Proudhon, moins avertis que lui des forces de résistance et des ressources de transformation de la petite industrie, simplifier à l’excès le problème et grossir la puissance d’absorption du capital concentré.