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Les individus sont tenus de réserver leurs biens aux héritiers que la loi désigne, dans l’ordre où elle les leur désigne. L’article 731 du code civil dit : « les successions sont déférées aux enfants et descendants du défunt, à ses ascendants et à ses parents collatéraux, dans l’ordre et suivant les règles ci-après déterminées. »

Ainsi ce n’est pas la volonté individuelle du possédant qui choisit tous ceux auxquels ira sa propriété. L’État choisit pour lui. La loi de l’État décide pour lui. Et comme la propriété se définit, aux termes mêmes du Code civil, par la faculté de disposer, l’État même a une sorte de propriété sur tous les biens des citoyens, puisqu’il se substitue à eux dans la disposition même de leurs biens. Il ne les retient pas pour lui ; il les transmet à des individus. Mais c’est l’État, et non le possédant, qui règle cette transmission. C’est donc l’État qui fait, en cet ordre, acte de propriété. Et par aucun moyen, par aucun biais, l’individu possédant ne peut éluder la volonté souveraine de l’État. Non seulement l’État, à défaut d’une disposition précise du possédant, décide à quels héritiers doit échoir la succession. Mais l’individu possédant, en pleine vie, en pleine activité, en pleine force, ne peut que dans une faible mesure disposer de ses biens. Il peut les louer, il peut les vendre, car