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la vente n’est en somme qu’un changement de forme de la propriété, et en échange de l’objet vendu, le vendeur reçoit une valeur égale. La location, la vente modifient la manière de percevoir les fruits de la propriété, ou la forme de la propriété. Elles n’en atteignent pas le fond, elles n’en diminuent point la valeur, et par suite, elles ne lèsent pas les intérêts des héritiers d’avance désignés par l’État. Mais ce qui est interdit à l’individu, c’est de faire abandon de sa propriété au profit d’autres personnes que celles que l’État a instituées d’avance propriétaires par succession. Ou du moins, il ne peut en abandonner librement qu’une assez faible portion, étroitement limitée par la loi.

L’article 913 du code civil dit : « Les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s’il ne laisse à son décès qu’un enfant légitime ; le tiers, s’il laisse deux enfants ; le quart, s’il en laisse trois ou un plus grand nombre. »

Ainsi le droit individuel du citoyen français sur sa propriété est limité étroitement. En vain le paysan propriétaire alléguera-t-il qu’il a peiné prodigieusement pour acquérir un petit domaine ; que ce domaine ne peut pas sans périr, sans perdre beaucoup de sa valeur, se décomposer et s’émietter ; qu’il voudrait le réserver à un seul