Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/528

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héritier, le plus économe, le plus vaillant, le plus avisé de tous. — La loi, par des raisons supérieures d’équilibre social et d’égalité, l’oblige à répartir à peu près également entre tous ses enfants le petit domaine créé par lui, et par lui seul. En vain les propriétaires paysans de Normandie représentèrent-ils à la Constituante, à la Législative, à la Convention que d’habitude ils mariaient leurs filles, avec une petite dot, hors du domaine familial ; qu’ils gardaient auprès d’eux leurs fils pour le cultiver, que souvent, par le long effort de ces fils, la valeur du domaine était accrue, et qu’il était injuste d’admettre les filles, à la mort du père, au partage de ce surcroît de valeur. — La Convention ne voulut admettre aucune, et le Code civil n’a admis presque aucune exception à la loi d’égalité domestique selon laquelle elle décomposait les biens des citoyens. En vain, aujourd’hui, l’industriel audacieux qui par son initiative aura créé une grande industrie voudra-t-il la laisser tout entière ou presque tout entière au seul héritier capable, selon lui, de la soutenir et de l’étendre. Ce n’est pas lui qui décide ; ce n’est pas sa volonté qui fait loi ; ce n’est pas lui, créateur de cette richesse, qui en dispose à son gré. L’État intervient et répartit cette propriété dite individuelle selon les règles souveraines qu’il a tracées.