Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/567

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les démocrates les plus ardents proposèrent à la Convention de fixer par la loi le prix des denrées, la Convention fut d’abord prise de scrupule. La majorité disait qu’après avoir réglé par la loi le prix des grains, il faudrait régler aussi le prix de tous les produits de la terre ; mais fixer ainsi par la loi le prix des produits du sol, n’est-ce point attenter au droit de propriété ? Si le propriétaire ne peut plus vendre ses denrées au prix déterminé par le seul jeu de l’offre et de la demande, s’il ne peut les aliéner qu’à un prix fixé par la société elle-même, c’est la société qui devient vraiment propriétaire des produits du sol : elle en dispose, aux lieu et place du propriétaire individuel, et celui-ci perd cette faculté de disposer qui caractérise la propriété individuelle. Ainsi, la Convention, à ses débuts, répugnait, par respect pour la propriété, à entrer dans le système de la taxation des grains, qui devait la conduire bientôt à l’établissement du maximum pour toutes les denrées.

Mais que répondaient les plus ardents révolutionnaires ? — Oui, en fixant le prix des denrées, l’État se substitue, dans la propriété de ces denrées, au propriétaire individuel ; mais il l’indemnise par le prix même qu’il a fixé, et puisque la loi permet l’expropriation du fonds moyennant indemnité, pourquoi ne permettrait-elle pas de même l’expropriation