Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/568

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des produits du fonds ? Beffroy, dans la séance du 8 décembre 1792, donna à l’argument une forme saisissante : « Nous nous plaignons, nous, de ce qu’on regarde la propriété des grains comme plus sacrée que les autres. en effet, l’État a-t-il besoin de ma maison, de mon jardin, de mon champ, il s’en empare. eh ! Puis-je jamais être indemnisé de mes habitudes, des aisances de mon domicile, des bizarreries mêmes de sa distribution ? Puis-je jamais être indemnisé de l’appropriement de mon jardin à mes goûts, à mon caractère, à ma fortune ? et s’il est vrai que la société ne viole pas la propriété en s’emparant légalement de la matière qui produit parce qu’elle en paie la valeur, n’en sera-t-il pas de même de la production ? »

Ainsi, par une extension soudaine du droit d’expropriation pour cause d’utilité publique, voilà l’État qui se substitue aux individus dans la disposition de tous les produits du sol. C’est en application de l’article de la Déclaration des Droits de l’homme qui prévoit l’expropriation légale avec indemnité, que la Convention décrétera enfin, par le maximum, la mainmise légale de la société sur tous les produits de la terre et de l’industrie. Du coup, nous sommes avertis, par les révolutionnaires bourgeois eux-mêmes, des grandes conséquences qui peuvent sortir de ce principe, des vastes expropriations